Bénévoles en bidonville

Tous les mercredis, Charlotte, Emma, Nicolas et Pierre-Etienne, bénévoles au Secours Catholique, vont à la rencontre de familles roms qui vivent dans un bidonville du sud de Paris pour les aider à accéder à leurs droits.
« Platz ».
C’est ainsi que Maria, Ramon et les autres habitants de cette bande de terrain, longue d’environ deux cents mètres sur quatre, coincée entre le périphérique et un cimetière du sud de Paris, désignent leur lieu de vie. Des cabanes construites avec leurs mains, des planches, des portes, des fenêtres, des tôles.
Jamais Maria ne dit « bidonville ». Jamais Ramon ne dit « Roms ». Il dit : « Tziganes ». Ils sont une quarantaine. Les plus jeunes enfants sont nés en France. Ramon, Maria et leurs voisins en Roumanie. Plusieurs d’entre eux ont connu les trottoirs de Paris et d’autres campements sans fortune. Tous les mercredis en fin de journée, Charlotte, Emma, Nicolas et Pierre-Etienne 1 leur rendent visite. « On fait de l’accompagnement social, éducatif, professionnel », résume Pierre-Etienne, informaticien, la quarantaine.
« On essaie d’avancer dans tout ce qui peut permettre une intégration, détaille Nicolas Clément, 69 ans, doyen de l'équipe bénévole : la domiciliation, la scolarisation, les soins médicaux, les inscriptions à Pôle emploi, la recherche d’emploi. Tout ce qui fait la vie quotidienne. » En France métropolitaine, près de 16 000 personnes vivent en bidonville, selon la plateforme mise en place par le gouvernement “Résorption bidonville”. 5000 sont des mineurs. La plupart sont originaires de Roumanie et de Bulgarie.
Ramon, qui vient de fêter ses 25 ans, est arrivé en France en février 2021. « La Roumanie, c’est ma vie, dit-il lentement, prononçant chaque mot avec soin. Mais il y a du racisme. Les gens disent que les Tziganes ne veulent pas travailler. » Cette discrimination n’est pas nouvelle, insiste Nicolas Clément. Ici, « ils ont les difficultés qu’ils ont partout depuis la nuit des temps ».
Depuis le Moyen Âge et jusqu’au milieu du XIXe siècle, ils ont été « transformés en serfs » dans les pays de l’Est, précise encore Nicolas Clément. Certains ont été rejetés à cause de la couleur de leur peau. Victimes de discrimination dans l’éducation et l’accès à l’emploi notamment, ils ont été maintenus dans la misère jusqu’à aujourd’hui.
On m’a encore raccroché au nez
Assis sur son lit, dans une des baraques du campement, Catalin, 22 ans, attend, inquiet, l’issue de la conversation entreprise par Emma, 36 ans, avec un employé de banque. « On m’a encore raccroché au nez », soupire la bénévole, entre colère et résignation. C’est la quatrième fois ce soir.
Depuis un mois, Catalin ne peut plus retirer d’argent de son compte. Parce qu’il a changé de numéro de téléphone. Et qu’il a oublié le mot de passe de son adresse e-mail. Parce que ce n’est pas lui qui a créé son adresse e-mail. Parce qu’il ne sait pas écrire.
Le fait qu’il ne puisse pas communiquer aisément en français complique la situation. Emma se propose de faire l’intermédiaire, mais l’employé de la banque souhaite échanger directement avec Catalin. Une demi-heure plus tard, Emma souffle, soulagée : le compte devrait être débloqué. Grâce à l’intervention d’un proche de Catalin, qui parle français. Et s’est fait passer pour lui.
Un an pour obtenir un numéro de sécurité sociale
« Je suis Maria V., Catalin L., Ramon C., énumère Emma. Je fais les démarches administratives à leur place. » Sécurité sociale, caisse d’allocations familiales, Pôle emploi, demande de logement social… Chacun de ces services publics requiert une bonne connexion internet, un ordinateur, une bonne maîtrise de la langue française et de son vocabulaire administratif. Autant de conditions qui compliquent l’accès aux droits des habitants du platz.
Du fait de son engagement auprès d'eux, Emma a redécouvert l’administration française au prisme de leurs situations. « J’ai mis un an pour obtenir un numéro de sécurité sociale pour Ramon », relate Emma. À l’évocation de ce souvenir, sa voix s’échauffe. Son corps se tend. « On va saisir la défenseure des droits. »
Depuis des mois, elle se démène pour trouver un logement social pour Ramon et sa famille. « J’ai fait plein de sites de demandes de logement : des hébergements d’urgence, des foyers de jeunes travailleurs, des bailleurs sociaux… »
Aurore Chaillou
Journaliste – SCCF
Source : SCCF
- 1. À l'exception de Nicolas Clément, les autres bénévoles ont souhaité gardé l’anonymat. Pour garantir leur anonymat, seuls les prénoms des habitants du bidonville sont mentionnés
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