"Je suis heureux de réussir quelque chose"

A l'occasion de la session théologique 2017 de Tours, organisée par le Réseau Saint Laurent*, les participants ont travaillé sur le thème du travail. Retrouvez ci-dessous les textes du Père Etienne Grieu, Jésuite et Docteur en théologie, et du Père Dominique Fontaine, aumônier général du Secours Catholique.
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Texte du Père Etienne Grieu
Quand nous travaillons et que cela se passe bien – qu'il s'agisse d'un travail rémunéré ou pas – nous sentons en nous quelque chose d'heureux. Je suis heureux de réussir quelque chose, même si c'est simplement un petit bricolage pour la maison ou même du ménage : quand j'ai passé l'aspirateur, je suis heureux, au fond de moi, il y a de la joie.
D'où vient cette joie ? Peut-être de ce plaisir d'avoir pu apporter quelque chose d'utile, qui pourra servir à d'autres ou leur éviter des désagréments. Le fond de cette joie vient, je crois, d'avoir pu partager quelque chose de moi, même si ça prend une forme très modeste, comme le ménage.
D'où la souffrance de ceux qui ne peuvent pas travailler ou de ceux dont le travail est très contraint ; ils peuvent se croire inutiles au monde (mais alors, on oublie que le travail n'est pas notre seule fécondité, et qu'il y en a bien d'autres, plus belles et plus riches, comme l'amitié, l'amour ou la prière).
En tout cas, un travail heureux devient comme une réponse que j'apporte au don que Dieu m'a fait, de la vie et de la capacité d'agir. Car travailler, c'est une manière de donner quelque chose de soi à d'autres et à travers eux, à Celui qui nous rassemble, à Dieu.
Avec le travail, la grosse tentation, c'est de croire que c'est lui qui me donne la vie. Alors il prend la place de Dieu et plus j'ai un poste élevé dans mon travail, plus je me crois au-dessus des autres. Or le travail ne donne pas la vie. Il n'est qu'un moyen pour partager ce qui nous a été donné par Dieu.
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Texte du père Dominique Fontaine
Dans le texte sur le travail des groupes du Réseau St Laurent que nous lisons ensemble durant cette session, une question a été posée : Qu’est-ce que le contraire du travail ? On répondrait naturellement : le chômage. En fait ce mot n’est pas prononcé, mais d’autres : l’isolement, le désespoir, la léthargie, l’humiliation du rejet, c’est le noir en soi-même : « Tes démons reviennent, tu es coupé du monde, tu t’enfonces. »
C’est un peu comme la foi. Dans l’Evangile, le contraire de la foi ce n’est pas l’athéisme, c’est la peur. Jésus dit à ses disciples : « pourquoi avez-vous peur, hommes de peu de foi ?» Et la « foi qui sauve », pour Jésus, c’est de se relever, de pouvoir trouver sa place au milieu des frères et de contribuer à la vie de la maison commune et du Royaume de Dieu. C’est une expérience de résurrection, vécue ensemble.
Il en est de même dans la parabole des ouvriers de la 11ème heure : Jésus nous présente Dieu comme celui qui veut que tous les hommes puissent participer au travail de sa vigne, il y a du travail pour tous à la vigne du Seigneur, pour qu’elle puisse porter du fruit en abondance. Il sort à chaque heure du jour pour donner du travail, et il voit tous ces hommes « qui étaient là sur la place, inactifs ». « Personne ne nous a embauchés», répondent ceux qui restaient là sur le pavé. Quelle parole forte ! Et Dieu les invite à se lever pour aller eux aussi à la vigne. Et tous reçoivent de façon égale le fruit du travail réalisé ensemble. Travail salarié, pension de retraite ou d’invalidité, bénévolat, diverses formes de service, quelle que soit le travail réalisé, comment permettre que tous soient embauchés.
* Le réseau Saint Laurent met en relation des groupes chrétiens diversifiés qui partagent en Eglise un chemin de fraternité et de foi avec et à partir de personnes vivant des situations de grandes pauvreté et d'exclusion sociale.
Retrouvez le texte de Nevers 2016 sur le travail en intégralité ici, le premier extrait ("Quand j'entends le mot travail, ça me fait penser à quoi ?"), le deuxième extrait ("Pourquoi le travail c'est si important ?), le troisième extrait ("C'est quoi le contraire du travail ?"), le quatrième extrait ("Est-ce qu'il y a une différence entre le travail et le service ?") , le cinquième extrait ("Quel est le sens du travail ?"), le sixième extrait ("Est-ce que Dieu veut que nous travaillions, hommes et femmes ?") et la relecture de ces textes par la théologienne Clémence Rouvier.
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